jeudi 31 décembre 2015

23 novembre au 4 décembre 2015 - Chemins de traverse

Il nous faut une bonne journée pour sortir de Xichang, dans un décor fortement "rurbanisé". Camions, bus, klaxons, pollution... De gros sites industriels partout, puis une plaine agricole qui nous rappelle un peu la plaine de l'Orbe version XXL. La route commence à monter et la circulation diminue, on bivouaque sous le regard curieux mais bienveillant des habitants de la maison située au-dessus.



Le lendemain, 24 novembre, c'est l'anniversaire de Jonas. Il réalise son voeu de fêter ses 35 ans à l'autre bout du monde! Pour passer 6km de tunnel, on décide de faire du stop. Après une demi-heure de patience, s'arrête un monstrueux 4x4 noir rutilant, occupé par trois jeunes Chinois Han qui partent en week-end au Lac Lugu. On se sent presque mal à l'aise de poser nos derrières poussiéreux sur le cuir si propre et lustré des sièges! On demande à descendre du véhicule sitôt le tunnel passé, ce qui nous permet de profiter de la grande descente. Soudain, un bouchon se crée. Des camions, autobus et voitures de tourisme s'entassent les uns derrière les autres de manière anarchique. Nous, tout comme les autres deux-roues, on se faufile jusqu'au devant de la file. Un panneau indique que la fin des travaux est prévue pour demain, 2015-11-25. Tu parles, ils en ont encore pour un bout de temps. La circulation se fait unidirectionnelle. Après avoir profité des patates douces cuites par des petites gens en bordure de route, nous filons en avant afin de rejoindre le fond de la vallée, seuls, le trafic étant interrompu. Mais voilà que toute bonne chose a une fin, le pneu arrière d'Emma éclate en pleine descente, par chance pas à grande vitesse!



Foutus pneus Schwalbe qui se déchirent sur le côté! Cette fois pas le choix, vu l'état du pneu (déjà rafistolé il y a un mois), on sort le bel exemplaire de secours plié au fond de la sacoche. Jonas a déjà changé son pneu arrière pour une usure précoce du même genre. Après même pas 4'500km, nous n'avons déjà plus de pneu de rechange. Au prix des Schwalbe, nous sommes dégoûtés! Marathon "Monoeil"! On passe une bonne heure à réparer ça, puis on reprend la route, dans un magnifique décor.

Joyeux anniversaire Jonas :P Une petite réparation en guise de cadeau!
Au milieu coule une rivière...
Minipic locale
Au milieu de l'après-midi, un nouveau tunnel nous fait obstacle. On décide de le contourner par l'ancienne route qui suit le flanc de la montagne. Après quelques kilomètres de montée sur cette piste défoncée par les glissements de terrain, nous découvrons un petit village de 4 fermettes. Une dame nous indique que ce n'est pas la peine de continuer, la voie est bloquée par un gros éboulement. Effectivement, en allant un peu plus en avant, on constate les faits. Bref, la fin de journée sent le roussi. On ne peut pas camper sur la route sujette au chutes de pierre, et rebrousser chemin ne nous inspire pas pour l'instant. La petite dame, voyant notre air indécis, nous propose de planter la tente dans la cours de sa maison. Jonas qui se réjouissait de passer sa soirée d'anniversaire en tête à tête en est pour ses frais. Nous sommes invités par 3 femmes seules, leurs maris étant absents, employés sur un chantier ou l'autre. L'ambiance n'est pas top, il n'y a ni gâteau, ni cadeau, ni ballon, ni copains, ni famille pour faire la fête! Juste un ou deux porcs, des poules, des gens qui nous invitent chez eux sans avoir vraiment envie de nouer le contact. Bref, on avale des pâtes chinoises molles, agrémentées d'un chou du jardin que nous ont offert peu avant nos taciturnes hôtesses. La nuit tombe et les chiens n'arrêtent pas d'aboyer à chaque bruit extérieur, l'angoisse! Vivement demain, qu'on se casse d'ici!

Tôt le lendemain, on plie les voiles vite fait. On rebrousse chemin jusqu'à l'entrée du tunnel, pas si terrible au final. Aujourd'hui nous entamons la route qui mène au col à 3'200m. La montée s'annonce longue...


To be or not to be... a cyclotourist
En fin d'après-midi, on repère une annexe vide à côté d'un restaurant en bord de route. On se dit qu'on y sera au sec s'il devait pleuvoir durant la nuit. La patronne nous autorise à camper là. On déguste un délicieux plat de poisson cuisiné par son mari, ce qui console Jonas de son anniversaire raté. Le couple de tenanciers, originaire de Chengdu, est adorable, on se sent les bienvenus. Le patron nous offre un grand thermos d'eau chaude pour la nuit, ça nous permet une petite toilette à la lavette bien chaude, quel luxe! Malheureusement nous dormons très mal, le rugissement des camions dans la montée nous réveillant systématiquement...

Dans la série "Bivouacs Bucoliques de Chine"
Partie 1: L'annexe en construction 
Avant de reprendre la route, on profite de la cuisine du resto pour y faire cuire nos oeufs au wok. Les restaurateurs nous offrent des kakis et plein de pommes pour nous encourager! Chouette!

Œufs au plat wok du matin
Un sympathique couple de restaurateurs

Les versants montagneux sont couverts d'une végétation dense d'un vert intense, et de cultures en terrasse. Il fait frais et venteux. On passe devant des "villages" de baraquements miteux, puis plus haut on tombe sur de petits stands où sont vendus de gros pots de miel de montagne, mhhh! On achète à une vieille dame édentée 1 kg de miel de printemps, qu'on rupera en quelques jours, le manque de sucre se faisant franchement ressentir.





Exemple de mazots traditionnels, ici pour le séchage du maïs

Fierté et reconnaissance, bravo Madame l'apicultrice! 

Que c'est long 1'900 m de dénivelé!
Lacet après lacet, à chaque contour on espère apercevoir le col. Mais c'est la route qui continue à serpenter en contre-haut que l'on voit, tout au loin... Il faudra prendre notre mal en patience. La vue depuis ces hauteurs est splendide, panorama sans limite sur la vallée, emplissant nos coeurs d'un élan de fierté et de liberté. Alors qu'on n'y croyait presque plus, les petites pauses se faisant de plus en plus fréquentes avec la fatigue, on parvient au col en milieu d'après-midi. 1'900 m de montée, depuis le fond de la vallée où coule la rivière Yalong jusqu'au col à 3'200 m! Pfiou...

Au col, des textes publicitaires nous accueillent.
Vue de l'interminable montée.

La descente s'annonce superbe, plus de 30km sans un coup de pédale! De l'autre côté du col, la vallée est très agricole. Des champs partout, de chaudes couleurs automnales, et des centaines de stands de vente de pommes tout le long de la route. On rencontre nos premiers eucalyptus, aux jolies feuilles ovales bleutées et odorantes.

Joli patchwork de cultures
 
Marchés et culture locale


Modernité et tradition
Il nous faut encore pousser jusqu'à Yanyuan pour trouver un hôtel où passer la nuit. Pas d'endroit pour camper dans une région si intensément cultivée. Grosse montée finale, découragement et épuisement, jusqu'à l'arrivée dans cette ville sans intérêt, s'étalant sans charme le long de la route...

Le lendemain se révèle une journée "repos", nous descendons tranquillement la rivière Meiyu, dans un joli vallon peu habité. Dans cette région, les maisons sont construites en rondins de bois, cela leur donne un air de Canada.

Acrobatie mal assurée
Journée de descente, donc de repos
Dîner nouilles pas terribles, sous le regard interloqué des poules emballées


Nous retrouvons les belles couleurs automnales
Restes d'un passé minier et maisons de rondins

Après une cinquantaine de km de descente douce, nous choisissons de suivre la route de campagne qui rallie directement Ninglang, au lieu de faire le crochet initialement prévu pour le Lac Lugu. Le temps nous est compté, nous devons renouveler notre visa à Lijiang avant le 4 décembre. La route, non asphaltée sur les 15 premiers kilomètres, nous fait monter dans une belle vallée reculée, où la vie semble bien paisible, menée au rythme des saisons et des travaux des champs.

Dans la série "Bivouacs Bucoliques de Chine"
Partie 2: La place de parc glauque 
Encore un col au menu aujourd'hui, cela devient une habitude. 23km de montée, sous un soleil généreux. De l'autre côté, de drôles touffes de sapins sur le versant opposé nous amusent. A nouveau nous sommes émerveillés par la vue plongeante sur l'entier de la vallée.

Pause hydratation

La piste pierreuse nous rappelle un peu la Mongolie






On peut faire des beaux panoramas avec Google photos!

On se glisse de l'autre côté du col


On pourrait se trouver dans le Val d'Anniviers

Sapinière peu conventionnelle
C'est beau la Chine, mais que c'est montagneux...

Au crépuscule, on demande à une famille Yi si l'on peut poser le camp sur la grande terrasse de leur maison. Ils préfèrent nous inviter à dormir au chaud à l'intérieur, au coin du feu, après nous avoir servi à manger (couenne de cochon et riz). Nous dormons paisiblement dans la chaleur de cette cabane dépouillée.
 
Le feu réchauffe nos corps fatigués, pommes de terre dans les braises, spécialité régionale qu'on adore!
Trois générations et un chat, gardien du feu, sous le même toit.


Une grand-mère au sourire chaleureux
 Puis nous reprenons notre belle descente jusqu'à Ninglang, où se baladent de belles femmes Yi magnifiquement vêtues de leur habit traditionnel. Un petit tour au marché, on achète de bonnes mandarines et surtout un éplucheur de fou qui fait tout (sauf le café, dommage). A la station-service du coin, on trouve de quoi satisfaire notre addiction au "Snickers", seules cochonneries chocolatées décentes qu'on trouve en Chine - alors qu'en Mongolie on trouvait encore du bon chocolat russe Alpen Gold!


La ville de Ninglang
Les mini-mandarines sont bien meilleures que les grosses pleines d'eau et de pépins


Las, à peine quelques kilomètres hors de la ville, et voici que la route pour Lijiang se transforme en chantier. Ca nous manquait, tiens... Comme on en a vraiment ras la patate des travaux routiers, on tente le stop, sans grand succès. On râle, on remonte sur nos vélos, on entame la montée de mauvaise grâce. On hèle une camionnette qui nous dépasse, et là, joie! Elle s'arrête! On se fait embarquer avec tout notre commerce et débute l'ascension d'un nouveau col, sur une route d'apocalypse comme savent si bien les faire nos amis Chinois. Trouées immenses dans les parois rocheuses, piliers de pont monstrueux qui attendent leur tablier, tunnels en construction... Encore un chantier pharaonique! Quelle dévastation d'un si bel environnement montagneux...

A la nuit tombante, notre chauffeur s'arrête et nous dépose en pleine descente, au milieu de rien. Il reste encore plus de 60km jusqu'à Lijiang. On descend nos affaires du véhicule, et c'est à ce moment-là que le monsieur nous réclame 200 yuans pour la course! La mâchoire nous en tombe. Jonas fouille ses poches, en extirpe 40 yuans. Emma ment en langage des gestes (oui oui, c'est possible) que c'est tout ce qu'il nous reste, qu'on doit retirer de l'argent à Lijiang, notre destination. Le conducteur rit jaune, se fâche vaguement, empoche les 40 yuans et refuse, indigné, les 4 mandarines pourboire de Jonas. Il nous plante là, incrédules. Bon, et bien il va falloir rouler de nuit sur une route en chantier jusqu'à trouver un lieu de bivouac. Une petite heure de vélo, et nous voici reflués par un policier qui nous braque sa lampe torche dans la figure. La route est fermée, ils minent les parois rocheuses qui la surplombent pendant la nuit. Notre tentative de planter la tente devant une maison vide échoue, on se fait expédier fissa, et on doit se résoudre à payer 50 yuans pour une chambre miteuse remplie de vieux bordel poussiéreux, chez un couple d'épiciers Yi qui profite bien de cette aubaine. Ils nous font payer les petites denrées alimentaires le double du prix et le lendemain, tentent maladroitement de nous faire payer l'utilisation de leur cuisine la veille. C'est un peu la goutte qui fait déborder le vase. Jonas s'énerve, ils laissent tomber. Décidément, c'est la région racket par ici...
8h30 du mat, prêts au départ, petit égorgeage de cochon en règle chez le voisin pour bien finir de nous mettre de bon pied pour la journée. Nous descendons 4 ou 5 petits kilomètres pour nous retrouver à nouveau bloqués par le chantier... Les pelleteuses déblaient les énormes blocs de roche minés pendant la nuit, en les balançant dans le vide. Les débris rocheux roulent jusqu'au fond de la vallée, dans un fracas démentiel. Un jeune ingénieur, responsable de cette zone du chantier, nous offre deux bouteilles d'eau et nous avertit qu'il faudra patienter jusqu'à midi pour la réouverture de la route! Un peu désolé pour nous, il nous invite spontanément à dîner avec lui dans son QG. Le repas est excellent, notre ingénieur sympathique et souriant, cela nous réconforte de nos dernières expériences foireuses.

Bill, notre ingénieur généreux qui travaille à la "dénaturalisation" de ce site...
Jinsha river
On repart à midi et demi après le repas et une petite séance photo. La descente nous mène jusqu'à un lac de retenue, d'où la route remonte pour un nouveau col, toujours sur route en construction. Il fait une chaleur assommante dans le fond de cette vallée. La route et la poussière, on n'en veut plus! On lève la main à chaque passage de pick-up. Encore une fois la chance nous sourit aujourd'hui, un jeune gars s'arrête et remplit l'arrière de son engin de tout notre attirail. On lui demande combien il désire nous soutirer pour le service, Meyo pour toute réponse. Rien du tout, gratuit! En route à une vitesse folle, nous dépassons tous les véhicules qui traînent à la montée et même à la descente. Notre chauffeur connaît bien la route. Il nous emmène jusqu'au centre de Lijiang, en échange de nos généreux sourires.




Romain ferait un tabac avec ses rythmes endiablés

Nous aimons les petites restaurations de rue
Nous profitons de notre balcon pour déjeuner au soleil...

Des ponts dans toute la vieille ville

COUCOU!
Yulong Xueshan


Dernier alphabet pictographique au monde, l'écriture Dongba des Naxi



Les goûts surprenants des Chinois en matière de chapeau
Tchô mec!


Bassin au nord de la ville, les plus courageux aiment s'y baigner.


Ambiance et déoration
 


A cet âge-là, on ne jouait pas encore au smartphone sur le trône...


Lijiang et son papier artisanal Naxi

CLASSÉ - FICHÉ
On vous embrasse!