vendredi 30 octobre 2015

12 au 18 octobre - Départ pour les plateaux tibétophones

Quitter la ville à vélo n'est pas une mince affaire, nous circulons dans un trafic fou, agressés par les klaxons et les gaz d'échappements nauséabonds... Vers 20h, nous entrons dans un petit restaurant pour y manger quelque chose avant d'aller poser le camp. Pas de photos des plats, Jonas pointe du doigt au hasard sur le menu en chinois. Quelques instants plus tard le serveur nous apporte une superbe tête de mouton en sauce, tirant légèrement la langue. Petits joueurs, nous renvoyons le plat en cuisine, prétextant être végétariens. Nous tentons notre chance parmi les plats sans viande, et cette fois-ci nous nous retrouvons devant des cubes translucides et sans goût. Après de longues tractations, nous apprenons qu'il s'agit de pollen de céréales compressé, ou quelque chose de similaire. Etrange...

Nous reprenons la route, il fait nuit noire. Nous roulons à travers d'immenses cités fantômes en contruction, avec des tours d'immeubles gigantesques construites par dizaines, faisant surgir de terre des quartiers entiers. Des grattes-ciel vides et éteints en ombres chinoises dans le ciel clair de la nuit, et nous, deux cyclistes traversant cette jungle urbaine, nous posant l'éternelle question, ou allons-nous monter la tente?

De dépit, nous décidons de tenter notre chance dans le premier hôtel qui se trouvera sur notre route. À Ping'an, nous voilà avec nos vélos boueux, pénétrant le hall d'un luxueux hôtel tout en marbre et lustres scintillants. Jonas négocie vaillemment au téléphone avec le sous-directeur et nous obtient une chambre pour 100 yuans (15 chf !) Nous avons payé le même prix dans notre auberge de jeunesse miteuse de Xining... Une belle surprise, à 23h!


Le lendemain, direction l'ouest, par la S202. La route monte légèrement sur 1000m de dénivelé pour atteindre un col à 3260m. Il nous faudra un jour et demi pour avaler ces 40 km de montée, par chance sous un soleil généreux faisant resplendir de belles couleurs automnales. Nous traversons de jolis petits villages aux habitants souriants. Le temps est à la récolte des pommes de terre et maïs. Sur les bords de route s'égrènent les étals de fruits et légumes divers, tels que pommes, poires, melons, noix, pommes de terre, ails, onions, poireaux, tomates, etc.

Un village fleuri
Ce vieux monsieur pose fièrement avec son arrière-petit-fils
Mosquée Hui





On constate vite que, contrairement à la Mongolie, il est quasiment impossible de trouver un coin pour camper dans cette région. La moindre parcelle de terre est soit cultivée, soit habitée, soit en chantier. Nous sommes bien embêtés pour nous poser... Le premier soir, n'ayant pas trouvé ou camper, on demande à un jeune gars de la minorité Hui s'il sait ou l'on pourrait poser notre tente. Il ne comprend pas vraiment notre demande car il nous invite chez lui. Nous sommes un peu empruntés, nous avons l'impression que sa femme ne souhaite pas vraiment nous voir dans ses murs. Mais bon, pas trop le choix, la nuit est tombée. Nous partirons tôt le lendemain, réveil à 7h. Dans la région vivent beaucoup de représentants de la minorité Hui, aux pratiques musulmanes. Le muezzin chante et nous réveille à 5 heures par une douce mélopée mystérieuse et envoûtante, invitant les fidèles à le rejoindre dans sa prière. Nous nous rendormons paisiblement en attendant la sonnerie du réveil.

Vite fait on se prépare, et en route pour la montée du petit col culminant à 3260m. Le climat est de plus en plus agréable et cela nous réjouit. Après une série de longs virages sinueux, nous voilà au col, sous les claquements des drapeaux colorés imprimés de prières bouddhistes. Dans une cheminée brûlent des branches de tuyas et de petits papiers sur lesquels sont imprimés des petits dessins. Un homme au sommet de la montagne pousse des incantations en lançant dans le vent, par poignées, d'autres petits papiers du même genre. C'est joli et c'est sûrement tout à fait louable comme acte envers Bouddha, mais on se pose tout de même la question de l'impact que ces prières ont sur l'environnement, car on trouve ces papiers sur des kilomètres avant le col. Bref, l'écologie, en Chine, ça pourrait faire l'objet d'un chapitre!


Le petit village avant le col, ou nous avons dormi
Montée du col, la vallée en contrebas
Les Chinois ne font pas les choses à moitié...
Le col, 3200m et des poussières

Des milliers de drapeaux de prière
Lors de cette journée nous avalons 70 km, ça vaut la peine de se lever tôt et de profiter au maximum. Le soleil est toujours bien présent et nous réchauffe lorsque nous arrivons, après une trentaine de kilomètres de descente, au fond d'une vallée à 2400m. La population de cette vallée est principalement musulmane. Il y a plusieurs mosquées dans chaque village traversé. Hommes et femmes se plient aux coutumes vestimentaires de leur religion, le voile pour madame et le couvre-chef blanc, finement brodé, pour monsieur. La nourriture est constituée de mouton, de pâtes, et d'excellents pains peu levés parsemés de sésame. On se régale, avant même d'être au Moyen-Orient.

30 km de descente!
 Ce soir-là, nous arrivons aux abords d'une petite ville à l'heure de pointe. Nous sommes pris dans une circulation épouvantable, les véhicules les plus divers nous dépassent et klaxonnent à tire-la-rigot. C'est éprouvant ces moments-là, et, à nouveau, ou va-t-on bien pouvoir camper!?



Juste avant d'arriver à l'entrée de la ville, on tente une petite route sur la droite. Nous sommes dans un quartier de vergers, avec de belles et grandes bâtisses au murs d'enceinte en agglomérat de terre et de paille. Au bout de la ruelle, nous frappons à une lourde porte. Une jeune femme coiffée d'un voile remonté sur le haut de la nuque, vient à notre rencontre. Nous lui indiquons notre envie de camper sur une petite terrasse, juste à côté de sa demeure. Elle acquiesce. Alors que nous nous apprêtons à monter la tente, un vieil homme sort de la cour et vient faire connaissance. Jonas tente un "salam aleykoum", un sourire se dessine sur son visage. Ce petit homme s'intéresse à notre parcours et nous invite dans sa propriété. Une fois les vélos rangés dans le garage, sa femme nous fait crouler sous de bons petits pains tout blancs, nous apporte des noix et une soupe de pâtes au mouton et légumes, tout cela arrosé de thé chaud. À peine fini notre bol, elle s'empresse de nous resservir. Après le troisième, nous refusons tout de même. On nous prépare la couche dans la chambre d'amis. Le lendemain matin, on nous sert du thé salé et de la soupe au potiron, accompagnée cette fois de bons petits pains à l'huile. Délicieux! Avant de reprendre la route, la maîtresse de maison nous fourre dans les mains des noix et un dizaine de petits pains et nous enjoint de cueillir quelques poires sur l'arbre du verger, puis elle nous recommande de nous habiller chaudement pour la route! Nous repartons heureux, du soleil plein le coeur, juste un peu frustrés de ne pas mieux savoir communiquer en chinois!


Le petit-déjeuner: soupe à la courge et petits pains tout blancs
La belle cour fleurie de la demeure de nos hôtes
Le trafic au petit matin est également dense. Nous longeons le Fleuve Jaune (plutôt vert radioactif), dans un paysage fortement urbanisé, tristement rongé par d'innombrables chantiers. Le long de la route se succèdent de petites villes bien laides, ou les immeubles semblent pousser comme des champignons. Nous finissons par rouler à côté du chantier pharaonique d'une autoroute en construction. Une telle démesure nous choque en même temps qu'elle nous fascine.

Beurk
Marché aux fruits et légumes, le long de la route
Le Fleuve Jaune
Les Chinois savent s'y prendre pour défigurer un paysage

Un chantier titanesque
De l'autre côté du fleuve, des tunnels

Au fil des kilomètres, les mosquées cèdent la place aux stupas. Nous entrons dans la préfecture autonome tibétaine de Huangnan, ou se trouve le district de Tongren (Repkong en tibétain). Dans l'après-midi, nous nous engouffrons dans les gorges encaissées de la Longwu, remontant la rivière le long d'interminables lacets.

Pause de midi dans la cour de ce stupa
La température est étonnamment agréable pour l'altitude et la saison



Le meilleur endroit pour une pause  biscuit?


On retrouve notre autoroute en construction, jaillie d'un tunnel.
Les dames à l'arrière-plan balaient les déchets de la route et hop! jettent le tout dans l'eau...
Au sortir de la vallée, nous trouvons refuge pour la nuit dans l'enceinte d'un beau stupa en construction. Au petit matin, une nonne bouddhiste qui supervise le chantier nous invite à partager son déjeuner. Couronne de pain à la croûte croustillante et bol de farine mélangée au lait et au beurre rance de yak. Nous mangeons en silence, ravis que le voyage nous offre de telles rencontres.

Camping au pied du stupa

Le plâtrier à l'œuvre
Giclage des dorures





Nous atteignons Repkong dans l'après-midi après avoir visité le temple de Wutun Si. Nous arpentons les rues à vélo avant de trouver un hôtel près du temple. Nous pensons repartir dès le lendemain, mais la neige s'invite pendant la nuit et nous impose d'attendre le retour du beau temps pour nous remettre en selle. Cela nous permet de déambuler au sein du monastère de Longwu.

Le temple de Wutun Si et ses 8 stupas

Les moulins à prière
Le temple de Wutun Si
Grand Buddha de Wutun Si

L'arrivée à Repkong
Ici aussi, les barres poussent comme des champignons

Repkong
Les bouddhistes tibétains se prosternent pour prier.
Ils répètent ce mouvement pendant parfois des heures, ça ressemble à du pilates






Enceinte du monastère de Repkong


Les allées du monastère

"La f'uite au prof'ain épiv'ode"